Une exploration de la méthode Pamela Fuller, auteure du livre The Leader’s Guide to Unconscious Bias.
Les biais, personne n’y échappe
Un biais c’est une préférence envers un type de personne, une chose, une activité… C’est entretenir sciemment et ouvertement, ou bien inconsciemment, un préjugé ou une idée préconçue.
Tous les êtres humains ont des biais. Les leaders n’y échappent pas.
Prétendre le contraire signifie que notre cerveau fonctionne mal, ou qu’on ne le comprend tout simplement pas. Admettre que nous avons des biais inconscients (ou trop laids pour se les avouer ouvertement) est plus juste.
Identifier nos biais inconscients
Tout commence par la connaissance que l’on a de soi. Impossible d’identifier ce qui motive nos décisions et gestes si on ne s’accorde pas de recul, de temps pour réfléchir.
Et qu’on se le dise, prendre le temps de réfléchir ça peut être plus dur qu’on ne l’avait anticipé. Surtout parce que quand on prend le temps de soulever le tapis et de regarder en-dessous, ce qu’on y découvre peut nous déplaire.
Dans son webinaire sur les biais inconscients, Pamela Fuller parle de ce qu’elle a appris sur elle et qui l’a ébranlée. Après avoir interviewé une candidate en tout point compétente, elle l’engage sans hésitation. Un peu plus tard, la candidate lui apprend gaiement qu’elle est enceinte. Fuller s’en est vu incommodée, pensant à tous les désagréments que cette nouvelle entrainera sur l’entreprise.
Mais en tant que femme, mère, professionnelle des RH et aussi leader d’opinion dans la sphère de la diversité et de l’inclusion en entreprise, pourquoi n’était-elle pas enchantée?
Avec un peu d’introspection, elle en est venue à considérer ses propres frustrations. Le fait, qu’elle même comme mère, n’ait pas eu accès au congé parental souhaité expliquait sa réaction négative.
Comme leader, nos réactions ont une répercussion sur notre équipe, et notre organisation. C’est pourquoi réapprendre ce que l’on croyait savoir est d’autant plus important (le growth mindset, ça vous dit quelque chose?)
Notre cerveau est d’ailleurs fait pour changer, selon les nouvelles informations qu’il absorbe, ça s’appelle la plasticité cérébrale.
L’idée de fixed mindset, selon laquelle notre cerveau cesse d’apprendre après un certain point, car il ne peut contenir qu’une quantité déterminée d’information, c’est non seulement out, mais tout simplement faux.
Ce qui est vrai par contre, c’est que nos biais sont durs à dégraisser, car ils s’ancrent en nous depuis l’enfance.
Ils proviennent de nos expériences, notre éducation, le contexte dans lequel nous avons grandi, notre culture et sont même parfois innés.
Ils affectent nos comportements et la perception que l’on a de soi.
Dans un meeting de leadership par exemple. Par crainte d’avoir l’air bossy ou trop émotive, une femme peut avoir comme réflexe de se faire plus discrète, de se limiter à prendre des notes.
Ils affectent également comment nous traitons les autres. Encore dans son webinaire, Pamela soulevait l’exemple de l’une de ses collègues qui, à chaque fois qu’elle mentionnait « femme d’ambition », le faisait en murmurant.
Par ses expériences, sa culture, son éducation, etc., la collègue de Pamela en était venue à percevoir le combo femme et ambition comme étant forcément négatif. Pour elle, une femme ambitieuse avait nécessairement un sens éthique questionnable, et était prête à tout, voir même discréditer le travail de ses pairs pour faire avancer sa carrière.
Lorsque nous constatons ce genre de perceptions chez soi, l’importance de prendre du recul pour mieux se connaître prend tout son sens.
Prendre du recul pour apercevoir les pièges à biais
Pour prendre du recul, Pamela suggère d’abord ramener notre attention sur les pièges à biais. Ce sont les moments où nous sommes plus vulnérables à une prise de décision biaisée :
- Premier piège: Lorsque l’on fait face à un flux trop important d’information
On en parle dans le premier article de cette série sur les biais : quand notre cerveau est bombardé d’informations, il filtre et bien que ce soit une machine extraordinaire, il n’est pas infaillible. Par moment, de l’information utile et importante pour la prise de décision objective passe sous le radar.
- Deuxième piège : Lorsque les sentiments prennent le dessus sur les faits
Quand une situation nous est chère, ou touche l’une de nos cordes sensibles, nos croyances auront tendance à prévaloir sur l’examen des faits. Utiliser notre logique pour résoudre une situation épineuse est souvent une méthode plus objective.
- Troisième piège : Lorsqu’on a besoin d’aller vite, vite, vite!
Lorsque l’on doit rencontrer des échéanciers serrés, le stress monte et dans notre désir d’aller plus vite, notre cerveau aura tendance à prendre des raccourcis. Mais ces raccourcis peuvent être motivés par nos biais et s’avérer simplistes, égoïstes et contre-productifs.
Évaluer l’impact de nos comportements sur notre équipe
Nous connaissons maintenant les pièges pour guider notre introspection. Nous pouvons maintenant passer à une approche plus concrète pour évaluer l’impact de nos comportements sur notre équipe.
Je vous préviens, c’est là que commence le heavy lifting du mental. C’est l’étape que personnellement, j’ai trouvé la plus difficile. Elle nécessite transparence et honnêteté envers les perceptions et comportements que l’on a démontré envers son équipe par le passé.
L’exercice est plutôt simple : on place chacun des membres de notre équipe dans l’une de ces trois zones :
- Zone dommageable
- Zone limitante
- Zone de performance
À ce point-ci, ne réfléchissons pas aux raisons pour lesquelles nous les plaçons dans une zone ou une autre, car celles-ci peuvent différer de nos biais.
Le concept de la tolérance
En complétant cet exercice, je me suis attardée au mot « tolérance ».
« Faire preuve d’ouverture et de tolérance ».
« Je suis une personne très tolérante ».
On entend ces phrases souvent. Dans les médias, dans les conversations sur l’heure du midi.
Mais en écoutant Pamela parler et en complétant moi-même l’exercice, ça m’a frappé. Dans un contexte professionnel, qu’un leader soit tolérant face à la diversité, ça a quelque chose d’ahurissant, d’inacceptable. Nos décisions ont un impact sur la performance, sur les opportunités et au final sur la carrière de quelqu’un. Tolérer quelqu’un, c’est le brimer dans l’atteinte de son plein potentiel.
Bon, je referme ma parenthèse éditoriale et on passe à la deuxième étape après l’identification, la connexion.
Connecter
Nous avons entre nos mains davantage d’outils technologiques que jamais auparavant. Et pourtant connecter avec les humains qui forment notre équipe n’est pas simple.
Mais nous ne pouvons prétendre au titre de bon leader sans connecter avec notre monde surtout ceux qui sont dans les zones limitante ou dommageable.
Deux trucs (toujours issus de l’approche de Pamela) pour y arriver.
Premier truc: Pratiquer l’empathie et la curiosité
L’empathie, c’est la recherche d’une connexion émotive. Elle est facile lorsque nous rencontrons quelqu’un qui nous ressemble, qui a vécu des expériences similaires aux nôtres.
Mais qu’en est-il des gens avec qui nous partageons peu de lieux communs? Est-ce que nous leur accordons le même niveau de compréhension et de patience?
Concrètement ça veut dire que si un membre de notre équipe arrive en retard à une réunion, notre réaction sera-t-elle la même, peu importe la zone où nous l’avons placé?
La curiosité, pour sa part, implique la recherche d’une connexion intellectuelle avec l’autre. C’est quand nous nous plaçons dans un état d’esprit ouvert, prêt à tisser de nouvelle connexions (rappelez-vous de la neuroplasticité ). C’est ce qui arrive quand nous réalisons que notre expérience est unique, c’est ce qui la rend si riche. Aussi riche que celle de l’autre.
La question à nous poser ici c’est : Est-ce que je pratique le même niveau d’empathie et de curiosité, toutes zones confondues?
Et pour nous guider, faisons l’activité du plan sur cinq ans. Nous avons probablement une idée plus ou moins vague d’où l’on se voit dans cinq ans.
Qu’en est-il des membres de notre équipe? Est-ce que vous savez ce qui les stresse le plus, ce qui les excite le plus dans leur travail?
Si nous ne connaissons pas la réponse à cette question, comment supportons-nous notre équipe dans l’atteinte de leurs objectifs professionnels?
Deuxième truc : auditer notre réseau
C’est dur de changer nos pratiques lorsque notre entourage partage des vues similaires.
Le but ici est donc d’identifier les personnes auxquelles nous demandons de l’aide ou des conseils, celles avec qui nous échangeons des idées. Sont-elles toujours les mêmes?
C’est fort probable.
Quelles sont les opportunités que s’offrent à nous pour étendre notre réseau? Est-ce que ça passe par de l’implication bénévole? Par la recherche d’un nouveau mentor? Par un nouveau projet qui nécessite d’autres expertises?
Parfois, ça peut aussi être aussi simple que d’analyser la source de nos informations. Pouvez-vous consommer un nouveau balado cette semaine? Adhérer à un nouveau groupe sur Facebook? Diversifier vos sources d’information, ça permet également de créer de nouvelles connexions.
Choisir le courage
Choisir le courage, c’est de se mettre en action. Ça commence dès la première question que l’on se pose à soi-même. Ça continue quand on devient OK avec l’idée de réapprendre ce que l’on croit connaître sur soi. Ça se perpétue lorsqu’on fait preuve d’empathie et d’une curiosité sincère envers autrui, surtout avec ceux envers qui ce n’est pas naturel.
Le courage, c’est aussi de prendre position, de questionner le processus. Ce n’est pas parce qu’on embauche de telle façon depuis toujours que c’est la façon la plus performante d’embaucher.
Le courage, c’est aussi d’être proactif, d’offrir notre support, de coacher ceux qui ne sont pas aussi avancés dans leur cheminement. Le courage c’est ultimement de devenir un défendeur. D’être porteur de changement.
Ça passe par le partage de notre histoire, ça passe par la capacité de nommer l’éléphant dans la pièce, de se dissocier haut et fort des attitudes et comportements qui ne permettent pas aux employés d’atteindre leur plein potentiel.
Challenger nos biais est d’une importance aussi grande que l’impact qu’ils ont sur ceux qui nous entourent.
Comme leader RH, cet impact est énorme. Il change le cours d’une carrière, dévoile de nouvelles opportunités, ou bien en retire.
Je laisse les derniers mots à Pamela, parce que je n’ai pas été capable d’en trouver d’aussi forts :
« Remettre en question ses préjugés est nécessaire, car il n'y a aucune idée plus fondamentale à la performance que la façon dont nous nous voyons et traitons en tant qu'êtres humains. »
Pamela Fuller
Pour approfondir les notions abordées dans cet article et libérer le plein potentiel de votre équipe, inscrivez vous à l’un des prochains webinaires de Pamela Fuller.
Qui est Pamela Fuller?
Depuis plus de 15 ans, Pamela Fuller parle d'inclusion et de l'impact de nos biais inconscients au travail. Elle est actuellement leader d'opinion chez FranklinCovey, Inclusion et biais. Elle est également partenaire client mondial, où elle soutient certains des comptes les plus stratégiques de l'organisation.
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